Centenaire de Soeur Jean Marie

Ce siècle, le 20 ème, avait 4 ans, quand le 6 Février 1904,
naquit au foyer de Mr et Mme Rousselet, à Epernay,
10 rue Léger-Bertin, une petite Marie-Louise.

Elle fut l’aînée d’une sœur de 2 ans plus jeune, et d’un garçon, né 5 ans après elle.

Elle fut baptisée le 13 Mars 1904 en l’église Notre Dame aujourd’hui détruite.

Ø Sœur Jean-Marie, quels sont vos plus vieux souvenirs ?

« Une petite désobéissance dont 6O ans après, je gardais encore une trace blanche au visage…
Ma mère m’avait interdit de jouer sur un escalier extérieur reliant les étages de notre maison.
Mais comment se fit-il qu’un jour, je me retrouvai chantant sur cet escalier…
« Marie-Louise, criait ma Mère… »
« Vite, redescendons !…»
Malheureusement, ce fut la chute, sur un grattoir de fer qui se trouvait là ».
Un épisode qui m’a rendue bien confuse…  J’avais 5 ans.
Je fréquentais l’école St Charles tenue par deux religieuses sécularisées :
Melle Eugénie et Melle Alberte, (Sr St Paulin).

Façade de l’Asile, plus tard Ecole Saint Charles (année 1900)

Maman qui voulait faire de moi une petite fille polie, m’avait expliquée
qu’il fallait toujours dire à l’épicier :
« Merci Monsieur Honoré, bonjour Monsieur Honoré ».

Or, Melle Eugénie me charge d’une commission :
« Marie-Louise, allez demander à MelleAlberte, le tableau d’Adam et d’Eve. »
Très flattée, j’y cours et je demande bien poliment :
« Melle Alberte, voulez-vous me donner le tableau de Monsieur Adam et de Madame Eve… »
Rires. Confusion… Je rentre en classe me cachant derrière le tableau.

 Ø Qu’avez-vous fait ensuite ?

Après St Charles, j’ai fréquenté pendant 10 ans, l’école Ste Marie dirigée par Sœur Ste Elise
et j’ai vécu une sorte de conversion.

 
Ecole Sainte Marie : Vue de la première cour (année 1897)

 Ø De Conversion ?
 Oui, jusqu’à 8-9 ans, j’étais une enfant désagréable, difficile à vivre.
Ma grand’mère, désolée, en parlait un jour avec Melle Clémence « le gendarme » de l’école.
Un matin, celle-ci, debout sur le perron, m’appelle devant toutes les élèves
en rang pour la rentrée et déclare :
« Mes enfants, voici une petite fille très désagréable… »
Honte, colère intérieure… Mais finalement, je réfléchis…

Je fais ma 1ère communion.  Mon caractère s’améliore. 

Ø En 1914, vous aviez 10 ans. Comment avez-vous vécu la Guerre  ?
Mon père mobilisé, nous sommes demeurés à Epernay,
d’où les Allemands furent rapidement rejetés
au nord de Reims par la 1ère bataille de la Marne.

Le 11 Novembre 1918, rentrés à Epernay après un court séjour dans l’Aube,
nous avons entendu les cent coups de canon de la victoire…
Grande joie, mais crise de larmes de ma petite sœur, terrorisée par le fracas…
 

Ø Et après la guerre ?
Je poursuis mes études, je passe mon brevet,
mais par suite d’un changement de programmes,
de la mort de mon père, je ne puis préparer mon brevet supérieur.
Alors, je travaille dans un bureau.
Je signale que ma collègue de bureau, âgée de 103 ans, vit toujours à Epernay.
  

Ø Sœur Jean-Marie, comment avez-vous découvert votre vocation ? 
« Peu à peu, grâce à un prêtre qui m’a appris à prier vraiment, à méditer, j’ai découvert Jésus.
Je pensais parfois à la vie religieuse, mais j’étais tourmentée parce que j’hésitais.
Je me disais : « J’attendrai d’être sûre qu’Il me veut »
Lors d’une retraite à Châlons, un Père Jésuite m’avait déclaré :
« Pas un signe de vocation ».
Mais je fais un pèlerinage à Lourdes
et Marie m’accorde alors une grâce de sérénité,
grâce qui ne m’a jamais quittée.

Un pèlerinage à Lisieux me fait dire avec certitude : « J’en suis sûre, je l’ai »…
Une rencontre avec Melle Dardar (Sr St Paul) me décide. 

 

En Février 1928, j’entre chez les Soeurs du Saint Enfant Jésus.

 

 Mère Ste Victorine est alors Supérieure Générale,
Sr Ste Isabelle, maîtresse des novices et assistante Générale.

Sr Ste Isabelle

Noviciat paisible et sans histoire.  La grâce de Lourdes m’accompagne.


Premiers vœux le 25 février 1930.  

Ø Où êtes-vous envoyée en sortant du Noviciat ?

D’abord à Jeanne d’Arc de Reims comme surveillante jusqu’à la rentrée,

puis à Vouziers, près de Sr Ste Elise de 1930 à 1932,

Sr Ste Elise

puis je reviens à Jeanne d’Arc de 1932 à 1934, pour y préparer mon brevet supérieur.
Ensuite, je suis envoyée à Jeanne d’Arc de Charleville,

où Melle Arend est directrice. Je sympathise avec elle
et bénéficie de ses qualités de pédagogue.
Je lui dois beaucoup dans ce domaine, tout en en ayant un peu la « frousse ».

Melle Arend

Quand le vendredi elle avait des « parloirs », ce qui l’éloignait de ma classe, j’étais assez soulagée.
En 1936, elle part pour Fumay et je deviens directrice.  

Ø Survient la guerre de 1940. Quels souvenirs en avez-vous ?

L’évacuation. Le 12 Mai, jour de la Pentecôte, à 3 heures du matin, nous partons à pied
( 2 Soeurs de la Houillère, 2 de Fumay, 2 de Charleville)
poussant de petites voiturettes chargées de nos quelques bagages.
Nous arrivons à la Vence… Nous sommes en bas d’une côte… Que faire ?
Là, se trouve un groupe de soldats. Nous reconnaissons l’officier qui les commande…
C’est un professeur de St  Remi, les élèves le nomment : « Bébé Cadum ».
Il dispose d’un camion, mais il hésite à nous le prêter…
puis se décide et finalement ce camion nous débarquera à Saulces-Monclin…
L’Eglise est pleine de matelas, cependant, nous y avons la messe.
Le soir, les soldats nous cèdent leurs lits.
La Providence nous aide à gagner Rethel, le pensionnat qui regorge de soldats.
Sœur A.M.Lavaux et Thérèse Gaillot nous accueillent et nous engagent à prendre le train.
Sur le chemin de la gare, un car de postières qui évacuent, consent à nous embarquer,
et nous arrivons à Reims. 2 jours après, nous partons pour le château de Mainsat.
J’y reçois le 15 Mai la nouvelle de la mort de mon frère, tué par balles.

Puis, il nous faut repartir, cette fois pour Ste Néommaye.
(Sr Yvonne Davenne doit s’en souvenir), dans les Deux-Sèvres.
D’abord hébergées dans un petit château, nous atterrissons finalement dans une maison
que j’appelle « le chalet branlant » vu son état de décrépitude.

Le 15 Novembre, nous pouvons rentrer à Charleville.
L’Ecole reprend progressivement.

 

Ø En 43, vous devenez Maîtresse des Novices ?

Oui, j’en ai été très surprise, mais cela ne m’a pas déplu.
Je crois que j’avais des dispositions
et je pouvais toujours compter sur Mère Ste Isabelle.
J’aimais mes novices.
En 2 ans, on a le temps de bien les connaître, vivant jour et nuit avec elles…
La grâce travaille toujours et le Seigneur rattrape ce qui semble raté.

   

« Viens, ma Sœur, mon Epouse. »
Seigneur Jésus,
faites d’elles toutes de vraies épouses,
recueillies par amour,
renoncées par amour,

  

Marie, faites–en de vraies Sœurs du Saint Enfant Jésus,
dociles, dévouées, surnaturellement simples toujours.

 Prière de Sœur Jean Marie pour ses novices en 1944

Ø En 1949, vous voici élue Supérieure Générale  et vous le serez durant 18 ans.

Désormais, votre histoire est liée intimement à celle de la Congrégation et nous savons toutes,
quel guide fidèle et désintéressé, vous avez été pour chacune de nous.

Ø Parmi vos souvenirs, il y a l’acquisition de notre maison de Chenay.
Accepteriez-vous de nous en parler ?

 

Voici… Depuis quelque temps, je cherchais une maison à la campagne
qui permettrait aux Sœurs de la Maison Mère, d’aller s’y reposer par groupes.
On nous a proposé à Chenay, une maison qui, à cause de son parc en paliers,
on nommait dans le village « La Montagne ».
Elle m’a plu et je l’ai baptisée « la Séguine »,
car je m’imaginais y voir la chèvre de Mr Seguin, en escaladant les pentes.
Ce terrain représentait la partie centrale d’un domaine
ayant appartenu à la famille Charbonneaux.

La maison était relativement en bon état, mais insuffisamment grande
pour y loger pendant les retraites, la moitié de la Congrégation.

La 1ère année, Sr Michel avait inventé des cloisons en tissu, pour séparer les lits.
La 2ème année, on a commencé des transformations, on a aménagé le garage,
transformé la salle de jeux du bas, en réfectoire et cuisine…
Par la suite, furent construites la petite maison utilisée comme chapelle,
plus tard, la salle de conférences.
Une invasion de moustiques (300 tués sur les murs de la Chapelle) nous fut une mauvaise surprise,
jusqu’à la découverte d’un puits, qui lors des pluies, se remplissait d’eau et les attirait…
Autre surprise : des braconniers avaient établi leur domaine dans le haut du parc. On a clôturé.

Ø Lourde tâche que celle de Supérieure Générale ?

Grâce à Dieu, cette période a été moins troublée que celle qui avait précédé,
lors de la guerre et je crois, moins pénible que celles qui ont succédés
à cause du manque de recrutement.
J’ai toujours été bien soutenue par le Conseil et l’Econome Générale…

Ø De 67 à 94, vous voici de nouveau à Epernay ?

 

Oui, d’abord directrice de l’Ecole Ste Marie, chargée de cours,
supérieure pendant 8 ans de la Communauté.
Les remous de l’année 68 ébranlent la cohésion de l’équipe professorale,
les complications administratives m’occasionnent pas mal de soucis.

Petit à petit, je dois restreindre mon activité, je fais des surveillances,
effectue les comptes de l’association gérante,
puis, c’est l’âge de la retraite :
vie montante, un peu de catéchèse…
Et c’est en 1994, quelques semaines avant la béatification
où je ne suis pas allée, le retour à la Maison Mère.

Ø Sœur Jean-Marie, pouvez-vous me parler un peu de votre vie aujourd’hui ? 

Patience, attente sont la trame de mes journées.
Jamais je n’ai fait autant d’actes de patience en accomplissant dans l’obscurité,
avec la volonté de m’en tirer le plus possible seule, les petits actes de la vie quotidienne.
Mais reconnaissance envers le Seigneur qui me laisse la possibilité de penser,
qui me laisse mes doigts avec lesquels je peux tout trouver, un véritable bienfait.
Reconnaissance envers mes sœurs pour leur délicatesse, envers le personnel très attentif.
Vraiment il me reste suffisamment pour remercier le Seigneur.

Ø Sœur Jean-Marie, comment voulez-vous conclure cet entretien ?

Par l’action de grâces. Dieu m’a toujours facilité les choses.
Il m’a toujours rappelé qu’Il était là.
Il m’a toujours donné ce dont j’avais besoin…
Ce que je demande : que l’on m’aide à vivre ma fin de vie
dans un abandon d’amour, ma grâce de Lourdes…

L’essentiel, c’est de continuer de croire à l’Amour, quoiqu’il arrive.
Le problème du mal qui se vit dans le monde, me taraude parfois.
C’est alors qu’il faut continuer de croire à l’Amour.
 
 

J’aime me redire la Parole de Ste Thérèse d’Avila :
« Dieu sait tout, peut tout et Il m’aime ».

Ø Et quelle est Sœur Jean-Marie, la parole de Nicolas Roland
que vous aimeriez nous laisser et nous inviter à vivre ?

Peut-être celle-ci :

  

Propos recueillis par Sœur Paule

Noces d’or : 7 septembre 1980

  

Noces de diamant : 24 septembre 2000

Share Button
Ce contenu a été publié dans Témoignages, avec comme mot(s)-clé(s) , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.