26 mars 1912 – 2012 : Centenaire de Sœur Marguerite Mauprivez


C’était le 26 mars 1912.
La joie de l’Annonciation remplissait encore les cœurs
lorsque la petite famille accueillait Marguerite.
Ils étaient là avec leurs 9, 8 et 2 ans !
Marie-Louise, René et Paul recevaient une petite sœur.

Le baptême fut fixé au jour de Pâques. Quelle nouvelle grâce !
La famille réunie fête alors la naissance de l’enfant de Dieu
qui reçoit en cadeau, non pas 20 ou 50 ans mais
100 ans pour grandir et s’épanouir.
(Qui aurait cru !… mais le fait est là !)

  Après les premiers pas dans la paix familiale,
commence un temps de guerre.
1914, Papa est mobilisé, il faut partir.
Aussi grands parents et famille se réfugient à Poilly, proche de Ville en Tardenois.
La maison est grande, un certain état major français y stationne, c’est une protection. Lorsque grand père quitte cette terre, l’officier présent à notre peine rassure la famille : « Ne vous inquiétez pas… Partez.
Une maison à Chatillon sur Indre vous accueillera ».
En effet, bien accueillis, nous y resterons un certain temps qui parut bien long.

Cela d’ailleurs ne s’est pas fait sans difficultés…Quelle épopée !
Partir au moment de la bataille de la Marne, sans moyen de locomotion,
n’ayant qu’une brouette pour la grand-mère paralysée !…
Arrivés enfin à Dormans où le train attendait,
nous avons pris, tant bien que mal, tous les bagages, fiers de soulager maman
qui s’occupait de grand-mère et c’est le départ vers l’inconnu !

Ce voyage laissera bien des souvenirs douloureux :
ainsi longer l’Eglise, voir tous ces anglais couchés dans l’herbe
est une image qui ne peut s’effacer dans le cœur des enfants que nous étions.

Cette longue période sera marquée par le retour de papa militaire
retrouvant tout son petit monde. C’était en 1918, la guerre se terminait.

Mais il a fallu attendre 1920 pour regagner le pays et que la vie reprenne à Reims.
Nous avons trouvé la maison complètement détruite.
Papa est allé travailler comme boucher au Goulet-Turpin,
ce qui lui a permis de retrouver un logement pour nous tous.

 En famille, la prière était quotidienne, la messe du dimanche obligatoire
et même si grand père ne pratiquait pas,
il s’assurait que nous étions bien partis à l’heure à ce rendez-vous.

Quant à notre père, il allait fidèlement chaque matin
« servir la messe » comme on disait !…
La messe de 6 heures lui permettait d’ouvrir dès 7 heures le magasin.

Durant cette période, notre sœur ainée est allée à Bezannes
pour s’occuper des grands parents maternels.
Aussi chaque dimanche, nous voyions arriver la voiture à cheval
et c’était la joie d’un petit voyage… et de se retrouver en famille…

Ambiance chrétienne, climat paisible d’une famille, école publique,
présence au catéchisme conduisent l’enfant que j’étais, à la première communion.
Ce fut un premier vendredi du mois, en l’Eglise sainte Geneviève,
suivie quelques années après, par la fête de la Communion solennelle.

L’année 1923, celle de mes 11 ans fut marquée par un moment inoubliable…
La Consécration à la Sainte Vierge m’a si fortement marquée
que je me vois toujours imprégnée d’un profond élan de joie profonde,
de paix et de certitude.
Cette grâce lumineuse s’est développée tranquillement
tout au long de ma scolarité à Jeanne d’Arc,
soutenue par le groupe d’Enfants de Marie.

Cette remise de ma vie à Marie a été sûrement soutenue
par la fidélité de papa au chapelet :
il ne quittait pas la poche de sa pèlerine
et j’allais souvent dire « une dizaine » avec lui.
C’était sa prière… tertiaire de saint François avec maman,
tous deux ont été formés à l’école des sœurs du Saint Enfant Jésus.
Ils puisaient dans cette vie de prière leur force et leur patience chrétiennes.

 La générosité de nos parents et grands parents a marqué notre jeunesse.
Je me souviens du partage des fruits et légumes avec les frères de l’école.
La visite des « petites sœurs des pauvres » était attendue tous les lundis.

De 1924 à 1928, je fréquente l’école des sœurs de Jeanne d’Arc.
Période marquée par une chute et la fracture de la jambe :
3 mois sans école mais Suzanne, compagne de classe
me remettait chaque soir les devoirs de la journée.

Une retraite à Jeanne d’Arc, la rencontre des prêtres, la messe quotidienne
m’ont conduite à l’orientation de ma vie et à une décision ferme.

 Me voici en 1932, demandant l’entrée au noviciat des Sœurs du Saint Enfant Jésus.
Sœur sainte Isabelle et Sœur saint Alfred
nous accueillaient et accompagnaient notre formation.

Le 15 septembre 1933, c’est la joie de la prise d’habit.

 

Deux ans de noviciat et ce sont les premiers vœux.
Je devenais Sœur de l’Enfant Jésus « pour servir ».
Le désir de ce service humble du Seigneur
s’était inscrit dans ma vie depuis ma Consécration à la Sainte Vierge.

A ce moment, je n’avais pas de diplôme
mais je savais que dans la Congrégation,
il y avait bien des services à remplir.
J’entrais donc en confiance.

Cependant un jour, le doute survint : ne fallait-il pas quitter ce lieu ?
Je communiquais ma question au prêtre accompagnateur.
La netteté de sa réponse : « Faites votre malle. Je vous reconduis. »
m’a fait apparaître clairement le réel et la tentation disparut immédiatement.
C’est un souvenir mais aussi une action de grâces car je suis encore là.

Les premiers vœux ont été prononcés et reçus en 1934 durant la messe,
tôt le matin, dès 6 heures, sans présence extérieure :
c’était le temps des lois laïques.
La Congrégation enseignante ne pouvait plus être reconnue officiellement.
Le service des malades permettaient de demeurer à la Maison-Mère
alors que les classes durent évacuer…
Temps d’obscurité et d’inquiétude
mais de fidélité inventive et courageuse pour toutes.

 

En 1936, je fus envoyée à Paris avec Sœur Vincent de Paul.
Monseigneur Verdier avait créé à l’hôpital Saint Joseph une section d’infirmière
pour les religieuses non acceptées dans les écoles d’état.
1938, le diplôme d’infirmière en poche,
c’est le retour à Reims bien reconnaissante à Mère Inchelin
qui a assuré une solide protection « aux internés du dimanche ».
La clinique de Reims m’accueille.
Envoyée bientôt à l’hôpital de Nouzonville,
il fallut revenir à Reims comme infirmière à l’hôpital militaire.

 Lorsque Reims est évacué, nous sommes parties vers Auxerre puis Aurillac.
Le retour à Reims eut lieu en juin 1940.
C’est à la clinique que je vais à nouveau rencontrer les malades jusqu’en mai 1942.
Arrêtée par la maladie, je demeure à l’infirmerie.

 En 1947, je suis envoyée à Nouzonville et y demeure jusqu’en 1953,
date à laquelle je rejoins la Communauté de la Rue Colette à Mézières.

Le travail à la maison, les piqures au dispensaire seront les occupations journalières.
Ma santé est fragile, il faut en tenir compte malgré mon désir de servir plus activement. Situation toujours difficile, sachant que souvent les impuissances sont une charge
pour l’entourage. Vouloir servir reste toujours mon désir
mais les moyens sont de plus en plus restreints
et le repos de plus en plus nécessaire.
Chemin difficile que guettent le découragement et le regret.

 

C’est en 1967 que je découvre la Houillère et assure la permanence
du dispensaire, avant d’être envoyée au dispensaire de Sedan,
rue des Fausses Braies et au petit centre ouvert dans la ZUP et cela jusqu’en 1998.

La fermeture de la Communauté de Sedan provoque la dispersion des Sœurs.
Et me voici revenue définitivement à la Maison-Mère en 1998.

Une chute malencontreuse, le genou fracturé me conduisent à l’infirmerie.
Dans la grande Communauté de Reims, peu à peu, je trouve ma place et l’office, l’Eucharistie, les rencontres communautaires vont remplir mes journées.
Servir par la prière est l’œuvre de chaque jour.
Tous les jours, cette prière porte auprès du Seigneur les malades que je connais…
tous les malades, tous ceux qui sont dans le besoin et toute ma famille.

Jour après jour, traversant les moments difficiles,
les périodes de maladie et d’impuissance,
les temps longs de repos ou de moindre activité :
me voici « centenaire ».
 

Le Seigneur m’a donné cent ans pour épanouir la formation reçue en famille,
forte de l’exemple des parents et émerveillée de la famille
qui s’est si largement développée.

Dans mon cœur demeure la parole qui éclaire toujours ma route :
« Ecce, Fiat, Magnificat ! »

 

Elle a éclairé ma profession perpétuelle,
elle me conduit toujours vers Jésus
et vers Nicolas Roland que j’ai toujours prié de toutes mes forces.

Et voici ma prière journalière :

Jésus, je vous donne mes yeux, mes oreilles, ma mémoire,
mes jambes, mon entendement, ma volonté, ma confiance.
C’est Vous qui m’avez tout donné. Je vous remets tout.
Donnez-moi seulement votre Amour et votre grâce.
O Marie conçue sans péché, priez pour nous…

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