1971 : Recherche avec l’hôpital pour l’animation sanitaire

1971 : Recherche avec l’hôpital
pour l’animation sanitaire

La communauté reçoit Monsieur le docteur de l’hôpital de Léré,
la sage-femme : Ladi Caroline.
Pourquoi ? Nous voulons nous mettre à l’écoute des Africains,
à leur école, recevoir d’eux.

Nous avons partagé nos projets d’éducation à l’hygiène,
aux premiers soins (secourisme) et posé nos questions.
Nous leur donnons les livrets d’hygiène que nous avons faits,
pour qu’ils regardent s’ils sont bien adaptés.

Le dialogue très riche aboutit à plusieurs décisions concrètes :
– Monsieur le docteur doit revoir Monsieur le Sous-Préfet,
avec une copie de la lettre envoyée au Ministre de la Santé,
lettre restée sans réponse.
– Avec Ladi, recherche de toutes les matrones
des différents quartiers de Léré, et formation pour plus d’hygiène
après l’accouchement, car les cas de tétanos ombilical sont trop fréquents.
– Le Docteur met à notre disposition un infirmier, M. Patalé,
pour la visite dans les quartiers de Léré et pour l’éducation sanitaire.

En communauté, nous précisons que notre rôle est sim­plement,
en lien avec le docteur, d’animer les infirmiers, la sage-femme,
pour qu’­ils assurent l’éducation sanitaire dans Léré.
Pour préciser le comment, nous décidons d’y réfléchir avec M Patalé.

Recherche avec Monsieur Patalé, Moundang.

Nous découvrons qu’il prend vraiment l’affaire en main
et que nous pouvons le laisser agir.
Il décide de chercher deux hommes dans chaque quartier :
11 dans Lé­ré, plus la Cotonfran, Dissing…
Quand il aura trouvé tous les hommes qui acceptent
d’être responsables dans leurs quartiers,
il nous montrera la liste et la présente­ra au Chef.
Alors, nous envisagerons la formation à donner à tous ces hommes ;
si possible, réunion à l’hôpital, explications à partir du livret d’hygiène.

 
Ces hommes, à leur tour, réuniront tous les hommes et les femmes
de leurs quartiers et ex­pliqueront, feront ce qu’ils auront appris.
Les infirmiers de l’hôpital passeront alors dans chaque quartier
pour animer et vérifier, car il faut que tous agissent
(creusent des latrines (W.C.), filtrent l’eau…).

       

Cette réunion avec M. Patalé nous a confirmées dans notre rôle :
être attentives à tous ceux qui nous entourent pour découvrir tous les besoins.
Chercher… Nous mettre en lien avec ceux qui sont capables d’agir.
Les animer, leur donner la forma­tion, le matériel nécessaire
pour qu’ils puissent, eux-mêmes, éduquer.

 

Sur Léré, nous avions déjà découvert une dizaine de femmes
qui acceptaient d’être responsables.


Pour l’éducation sanitaire, il faut atteindre
en même temps les hommes et les femmes, sinon rien ne changera ;
or, seuls, les hommes seront vraiment écoutés par les hommes.

Pour la promotion des femmes, trouver des responsables

Nous pensons alors que les femmes découvertes
pourront être responsables de couture,
puis, après, de l’alphabétisation de toutes les femmes
(car elles – les responsables – sont déjà allées en classe).
Mais, pour la couture, comment faire ?
Les femmes refusent d’acheter du tissu : elles ne le font jamais.
M Patalé souhaitait que nous donnions du tissu, au moins le premier mois.
Nous lui avons expliqué que cela revenait très cher, que nous ne pouvions pas….
qu’il fallait faire comprendre aux hommes
que les vêtements coûteraient moins cher
si les femmes cousaient au lieu d’acheter « tout fait »,
ceci à partir d’exemple :
pour le même prix, au lieu d’acheter un caleçon, on peut en faire deux.


Le dialogue nous a fait découvrir
que nous pouvions demander déjà 50 francs
à chaque femme qui veut coudre.
Cet argent est donné à la responsable
qui apprendra à gérer le budget de son petit groupe,
qui fera les achats, elle-même, au village,
au début avec la Sœur puisque ce n’est pas dans leurs coutumes.
Cela est mis en route et bien accepté par les femmes.

 
 
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Fête des Moundangs

Fête des Moundangs

Aujourd’hui, comme tous les ans, c’est la grande fête de la récolte du mil
et aussi, nous dirions chez nous, le premier jour de l’an.
Elle a commencé hier soir.
A la tombée de la nuit, les Moundangs, les hommes seule­ment,
armés de sagaies, de flèches et même de carabines,
se sont rendus devant la case du Chef, le Gô Daba.


Nous étions là, parmi eux, attendant le signal de la fête
et voulant surtout partager leur joie…
Enfin le Chef est arrivé, entouré de Mon­sieur le Préfet de Bongor,
et de Monsieur le Sous-Préfet de Léré.
La foule s’est alors pressée contre le podium.
Des notables ont exprimé leurs vœux.
Puis le Gô (chef) a souhaité une bonne fête à tous…
Le Préfet du Mayo-Kebbi a pris aussi la parole,
il a demandé spécialement aux jeunes,
de respecter les Traditions, de respecter les « Vieux »,
de respecter tous les Chefs…
lui-même ne se déchausse-t-il pas, lorsqu’il visite le Gô de Léré ?

Après les discours, explosion de joie lorsque résonne le grand tam-tam.

  
Flûtes et balafons l’accompagnent, des danses s’organisent…

 
Les uns restent sur la place, les autres retournent à leur case,
avec des parents ou des amis.
Cette nuit et les jours suivants, on partagera la boule, on mangera le cabri,
ou le bœuf tué pour la fête, on boira le' »yimi » (bière de mil)….
avec tous ceux qui se présenteront devant le saré.
C’est pour cela que les femmes et les filles ont travaillé dur cette semaine.
Que de seaux d’eau puisés, que de fagots de bois ramassés dans la brousse,
que de boules préparées !
Parce qu’elles sont généreuses et qu’elles savent s’oublier pour les au­tres,
tous pourront se réjouir. Mais tous en ont-ils vraiment conscience ?

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Ecole du soir

 Ecole du soir

Depuis le 8 novembre, Sœur Thérèse a organisé quatre fois par semaine,
l’école du soir, entre 15 h 30 et 17 h 30.
Pourquoi avons-nous décidé de faire classe l’après-midi,
et à qui s’adresse cette classe ?

Nous avions constaté, depuis longtemps,
qu’un bon nombre de filles n’allaient pas du tout à l’école.
D’autres, à l’école officielle, ou ici, n’avaient pu être pri­ses,
parce qu’elles étaient trop âgées, ou reprises,
parce qu’elles étaient obligées de redoubler ou retripler.
Nous avons réfléchi ensemble, nous nous sommes interro­gées,
et en avons parlé aux moniteurs,
puis à M Patalé qui s’était déjà occupé du Jardin d’enfants.
Ecouter l’autre, surtout le plus pauvre, – se laisser interpel­ler -,
n’est-ce pas là un point de notre projet où nous avions à agir ?…
Nous avons fait dire, par les enfants de l’école, qu’on prenait les inscriptions,
en leur deman­dant de prévenir toutes les filles qu’elles connaissaient.
Puis, elles nous ont donné des listes, suivant les différents quartiers.
Nous sommes allées dans chaque famille.


De cette façon, nous avons rejoint 44 filles entre 8 et 14 ans.
Ces filles travail­lent le matin, à la case ou aux champs.
Pour d’autres qui habitent assez loin, les pa­rents étaient sur la réserve,
car ils ne voulaient pas trop que leurs filles soient sur la route à la tombée de la nuit.

Il fallait aussi trouver un moniteur.
Avant la rentrée de septembre, Jacques était venu peindre les tableaux
et faire quelques petits travaux pour l’école.
Il aurait été si heureux de pouvoir faire quelque chose !
Nous lui avons donc parlé de notre intention,
et il était tout prêt à venir assurer l’al­phabétisation bénévolement.
Il en a parlé à sa femme, Pauline, et nous a rendu une réponse affirmative.
Devant le nombre des enfants, une classe aurait été trop lour­de.
Il fallait faire deux groupes. Mais qui est-ce qui s’occuperait de l’autre grou­pe ?
Est-ce que Pauline ne pourrait pas venir avec son mari ? – (Ils n’ont pas d’en­fants).
Pendant que Pauline ferait de la couture dans une classe,
Jacques ferait l’alphabétisation dans l’autre.
Tous les deux ont accepté généreusement de donner leur temps
pour se met­tre au service des jeunes.

La rentrée était fixée au 8 novembre – préparation du matériel, mais aussi
et surtout de Jacques et de Pauline. Jacques, avec Sœur Thérèse, a préparé les leçons ;
Pauline a appris à coudre un peu chaque matin.

 

Quelle joie pour eux d’apprendre, de se rendre compte qu’eux aussi
peuvent faire quelque chose, avancer…., prendre leur place.

 

Et pour nous, nous vivons notre Projet de Sœurs de l’Enfant Jésus :
« Que toutes nos relations, notre action, aident les hommes,
les femmes, les jeunes, les enfants
à se mettre ‘debout’, à être capables de décider,
à se prendre en main  et à devenir responsables :

 c’est ainsi qu’ils manifestent et annoncent à tous leurs frères
l’Amour du Père qui veut que chacun soit fils ».

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Envoi en Mission à Léré

 
Envoi en Mission 
 
Dimanche 7 septembre 1969 :
Grande fête pour la Congrégation du Saint Enfant Jésus
dont la Maison Mère est à Reims, 48 rue du Barbâtre.

Monseigneur Maury, archevêque de Reims,
assisté de Monseigneur Piérard, évêque de Châlons,
et de Monseigneur Béjot, évêque auxiliaire de Reims,
 
  
envoie au diocèse de Pala (Tchad),
les premières religieuses missionnaires de la Congrégation du Saint Enfant Jésus,

  
 
Envoi en mis­sion, au cours de l’Eucharistie :

— Que demandez-vous ?

— Monseigneur, pour répondre à l’appel du Christ
et annoncer aux pauvres la Bon­ne Nouvelle de l’Evangile,
nous demandons à partir au Tchad, dans le diocèse de Pala.

 
— Pourquoi voulez-vous partir ?

— Nous nous sommes totalement don­nées au Christ
et nous voulons découvrir ce qu’il attend de nous.
Nous avons cherché ensemble avec nos responsables,
et nous pensons que Jésus-Christ nous invite à partir.



— Comme les apôtres et les prophètes, allez où le Seigneur vous envoie.
Partez au nom de l’Eglise, des diocèses de Reims et de Châlons,
de votre Congrégation,
de vos familles, de vos paroisses.
C’est tout le peuple de Dieu qui vous envoie.


A l’issue de la messe, après que la communion ait été distribuée
à une nombreuse partie de l’Assemblée,
Monseigneur Dupont, évêque de Pala, remercie, en quelques mots,
les diocèses, la Congrégation, les parents, les paroisses.

 

Après la messe, un vin d’honneur rassemble,
rue du Barbâtre, à la Maison Mère,
tous les amis de la Congrégation.
Jour de joie pour tous !

 
Ça vaut la peine, crois-moi 

Ça vaut la peine,crois-moi ,
Car nous sommes,Toi et moi,
Envoyés à la même pêche,
Ça vaut la peine, crois-moi,
Car nous sommes, Toi et moi,
Embarqués sur le même bateau…


Nous avons embarqué sans demander le prix,
Nous avons embarqué parce que c’était Lui.


Embarqués pour la pluie, embarqués pour le vent,
Embarqués pour la brise, ou bien pour l’ouragan.

Embarqués pour la nuit, embarqués pour le jour,
Embarqués pour la vie, embarqués pour toujours.


Embarqués sans savoir où ça nous conduira,
Embarqués sans savoir si on en reviendra.

C’est peut-être folie de partir sans savoir,
C’est peut-être folie, mais c’est aussi l’espoir.

C’est l’espoir de la vie qui recommencera,
C’est l’espoir de la Joie qui ne finira pas !

 
 

 


 

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Départ et arrivée au Tchad

 

Départ et arrivée au Tchad : 8 septembre 1969

Le lendemain, à 5 heures, nous quittons Reims.
A 9 h. 15, nous décollons du Bourget.

A notre arrivée à Fort Lamy (Nd’jamena), le Père Gabin nous attend à l’aéroport
pour nous aider à remplir les formalités de douanes, visas, etc.… 

Le lendemain, il nous fait connaître la ville,

 

visiter le marché …



Il faut voir  toutes les marchandises étalées par terre :

tissus, vian­des, paniers, chapeaux, poissons, graines…

À midi, les Soeurs Auxiliatrices nous accueillent fraternellement.
Après la sieste, nous retournons en ville et par­courons les quartiers africains. 


Soudain, deux hommes traversent la rue, pour nous dire qu’ils sont baptisés,
et avec quel bonheur ! Que de découvertes !

Visite de la rive du Chari, avec tout le folklore…

 

Mercredi 10, à 6 heures, nous reprenons « Air Tchad », pour Pala.
L’avion vole à faible altitude.
Par le hublot, sous un soleil splendide, nous contemplons à loisir :
lagunes, cultures, rubans sablonneux que sont les pistes (routes d’Afrique)…
De temps en temps, émergent de la verdure des îlots
de champignons gris encerclant une place :
ce sont les cases d’un village.

Arrêt à Bongor

Le Père de la Mission vient chercher le courrier et nous salue,
en disant avec humour : « Ah ! Voilà du renfort ! »

 

Nous arrivons à Pala, avec une demi-heure de retard seulement.
Il paraît que c’est ex­traordinaire !
Là, nous attendent le Père Georges, et Michèle, Missionnaire laïque, tous deux de Léré.
Nous passons la matinée avec Cécile et Solange, responsables à la Mission.
C’est toujours le même accueil fraternel !

Vers 14 h 30, en route pour Léré, dans les deux voitures du Père Georges et de Michèle.
Quelle expédition ! C’est la sai­son des pluies.
De nombreuses routes sont ravinées et détrempées par l’eau.
Un radier (petit pont) entre Pala et Léré s’est effondré à la suite d’une tornade.

 

Alors, il nous faut descendre des voitures, et une douzaine d’Africains arrivent
et poussent les vé­hicules dans la brousse,
pataugeant dans le « potopote » (boue enlisante).
Et nous, san­dales à la main, cahin-caha,
nous essayons de traverser le marigot, pour rejoindre les 4 L.
Adieu la blancheur de nos robes ! Finis les pieds sensibles !
Et Michèle de s’écrier :
« Qu’ils sont beaux, les pieds de ceux qui annoncent l’Évangile !… »

Ensuite, la piste est meilleure, sauf quelques tronçons.
Nous nous arrêtons à Moursalé, chez le Père Larose, en pleine brousse ;

 

il nous montre les cases de ses « Kados » (nom de l’ethnie), écroulées sous les tornades ;
ces cases venaient d’être reconstruites depuis peu !
Le Père héberge les sans-logis dans la chapelle. Nous admirons son courage et sa foi.

Deuxième halte à Bissi-Mafou, où le Père Martin se fait une joie de nous désal­térer…

Puis, nous continuons la route pour Léré.
Mais le soleil s’est couché, et nous n’avons pas le plaisir de voir le paysage.

Il est 19 heures, lorsque nous ar­rivons à destination.
Malgré la nuit, plusieurs familles africaines du voisinage nous accueillent avec enthousiasme.

Où sont les quelques mots de ‘moundang’ appris en Fran­ce ?

Après le dîner, le Père Georges nous conduit à notre case (maison en dur).

 

Pour le moment, nous sommes campées, car les bagages ne sont pas arrivés ;
mais rassurez-vous : nous avons chacune un lit et une douche
(installation de nos prédécesseurs).

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Fête à la Mission

 Fête à la Mission en notre honneur 

Les journées passent vite.
Il faut s’habituer au rythme de celles du Tchad : 6 heures / 18 heures.
Le soir, nous sortons piles électriques ou lampes à pétrole,
en attendant la réparation du groupe électrogène.

Dimanche 14 septembre, le premier en Afrique.

A 8 heures, Messe très vivante.

Toutes les lectures et l’homélie sont traduites,
phrase par phrase, par des catéchistes, en moundang ou en n’gambaye.
La tornade de la nuit n’a pas empêché plusieurs chrétiens
de faire 15 ou 20 km pour partager l’Eucharistie…

L’après-midi, fête à la Mission en notre honneur.

 

Jeux pour les enfants,
matches de volley-ball, et danses,
trois heures durant, avec tam-tam, par les Moundangs,
Les N’Gambayes et même les Foulbés (Arabes musulmans).

 

Tous nous expriment leur joie…
Un jeune catéchiste déclare n’avoir jamais vu une telle fête depuis trois ans.
« Ici, dit-il, les Moundangs dansent seulement lorsqu’ils sont contents ». Alors !…

               

Le soir, un vin d’honneur – sirops et biscuits – rassemble les notables de Léré :
sous-préfet, grand Chef du village et de la race moundang,
catéchistes et moniteurs de la Mission,
chefs des Douanes, P.T.T., Agriculture… et aussi le Pasteur protestant.

Tous, heureux de notre arrivée, ont répondu à l’invitation du Père Georges.
Journée très sympathique et encourageante.

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Paysages de notre région

 

Nos découvertes :

Paysages de notre région

Léré, petite ville de 4.000 habitants, s’étend sur plusieurs kilomètres,
en bordure du Lac Léré (20 km de long sur 2 ou 3 km. de large).


Le Mayo-Kebbi vient s’y jeter et le grossir de ses eaux, en saison des pluies.


Paysage magnifi­que, surtout au coucher du soleil !


Au premier plan, de grands arbres à fleurs jau­nes : les cacias,

se balancent entre les palmiers et les grands kapokiers,


ou les baobabs hauts parfois de 10 mètres.


Longeons de plus près : roseaux, parfois cultu­res de mil profitent de l’humus.
Les pirogues des pêcheurs s’y jouent.

    
Il arrive, paraît-il, qu’ils se fassent renverser par des hippopotames,
mais nous n’en avons pas encore vu de vivants.
Nous les avons entendus, un soir, et assisté,
une autre fois, au découpage d’un petit…  de trois tonnes seulement ! …
(Ce jour-là, tout le village en profite – même nous – ;
cela s’apparente à la viande de boeuf).
A L’horizon, les monts du Cameroun forment un vaste et somptueux écran.

Si nous poursuivons en voiture, il faut ralentir de temps en temps, traver­ser un « radier » :

 
sorte de petit pont, ou, plutôt, de passerelle de pierres plus ou moins cimentées,
qui emplit et consolide le lit du mayo.
Aux heures de crue, l’eau passe dessus.
L’orage terminé, la circulation redevient normale,
car les mayos va­rient d’un simple filet d’eau
à une cinquantaine de mètres de large, suivant la sai­son.

Actuellement, les pluies se raréfient : une ou deux par semaine.
Une tornade de vent l’annonce – ou le chant des enfants de l’école,
aussi joyeux de voir la pluie que les petits Français d’accueillir les premières neiges…
Ils scandent, à la récréation : « C’est la tor-na-de ! »
La pluie tombe alors très raide, de 1 heure à 6 heures durant (mais plus souvent la nuit).
Le soleil reparaît alors, bien chaud, et il sèche vite les chemins.
Seules, les ornières creusées par le pas­sage des camions
gardent l’eau et rendent les routes difficiles.
Elles sont déjà meilleures qu’à notre arrivée, surtout depuis quinze jours,
car chaque village a reçu ordre de « refaire » les routes.
Alors, aux heures et jours dits, tous les hommes s’arment de pelles, de houes,
et s’activent à niveler, afin que les dernières pluies prévues (1 ou 2)
achèvent de tasser les « pistes ».

Enfilons-nous vers Mombaroua.
« Enfilons-nous », oui ! car la voie est parfois étroite, rocailleuse,
ça et là bordée d’un marécage où les grands nénu­phars


font vibrer nos sensibilités et « déclancher l’obturateur ».


De longues chaînes de volubilis mauves nous tendent aussi leurs corolles.
Puis, la brousse re­prend ses droits : immenses étendues arides et incultes
où quelques bouquets d’arbustes « stériles » viennent rehausser l’horizon.

 

 
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Vie familiale

 

Vie familiale au Tchad :

Voici quelques cultivateurs.

Ici, point de remembrement ou de grandes pièces alignées !…
La houe en main (seul instrument rencontré jusqu’ici),
le cultivateur va « aérer » les rayons de coton – arbuste de 50 à 80 cm. de hauteur,
dont la fleur, rose ou blanche, rappelle celle du liseron.

Les plus avancées sont déjà en graines,
ou laissent éclater une jolie poignée de coton d’un blanc neige.

La récolte commencera en novembre.

Plus loin, au ras du sol, les arachides sont encore vertes.
Pour vous donner une idée, prenez un gros pied de trèfle un peu plus étalé.
Tirez sur la touffe, vous en sortez des racines abondantes, renflées de rhizomes.
Voilà les cacahuètes. Croquez donc ! Elles sont bien fraîches.

On croirait grignoter des haricots crus.
Il faudra donc les laisser sécher,
puis les griller, avant qu’el­les ne vous arrivent.

Au fond, de très hautes tiges de deux à trois mètres
font écran et en­tourent de plus près le village :
c’est le mil qui constitue la nourriture de ba­se, au Tchad.

Le plus précoce est le mil rouge qu’on voit sécher un peu partout, même sur les toits.
Le blanc se récoltera en novembre aussi.
Chaque pied donne un lourd épi de grains ronds (deux fois comme un grain de blé).

Il devra être pilé et vanné pour donner une farine granuleuse
qui servira à préparer la « boule».

On rencontre aussi quelques arbres fruitiers à la périphérie des vil­lages :
des manguiers, goyaviers, citronniers, bananiers,
quelques palmiers-dat­tiers implantés du nord par les Foulbés envahisseurs.

  

Les légumes sont rarissimes…
Pourtant, ils poussent bien et se plaisent dans les fonds humides.
Ils demandent beaucoup de soins et d’arrosages.
(Dans le jardin de la Mission, nous avons de magnifiques tomates.
Depuis notre arrivée, François et Pierre travaillent d’arrache-pied
pour doubler le jardin, bien situé, autour du puits.
Les aubergines, les radis, salades, carottes atten­dent leurs soins…). 

 

Nous poursuivons la visite et entrons au village.
De grands sekos (palis­sades d’herbes tressées) entourent chaque concession,
laquelle abrite toute une fa­mille.
 


Une case centrale permet d’accueillir les visiteurs ou les amis.
Une autre sert de cuisine à la mère de famille,

tandis que la suivante est la chambre à cou­cher.
On y dort sur une natte de feuilles de palmier tressées – étendue à même le sol.
Quand les nuits sont plus fraîches, un petit feu,
au milieu de la pièce, ré­chauffe les dormeurs,
mais nous donne la clef des larges brûlures
que les enfants ont fréquemment dans le dos,
parce qu’en dormant ils roulent dans la braise !
Une autre case est réservée aux animaux :
poules et poussins, canards, chèvres et moutons y font leur gîte.
Ils sont, bien souvent, la seule richesse de la famille …

Mais le plus curieux est le grenier à mil :
sorte de case étroite, en forme d’obus, ouverte à sa partie supérieure.

La femme y accède par le toit de sa case qui est caractérisée par une terrasse.
C’est souvent là qu’elle met sécher le mil avant de le rentrer.

L’homme a sa case personnelle, lui aussi.
Il a bien souvent deux ou trois femmes : c’est encore un signe de richesse.
Celles-ci sont souvent tristes, traitées en servantes, voire en esclaves…

Dans les foyers chrétiens, c’est une véritable évolution, par contre !…
On voit plus souvent la femme manger avec son mari.
Celui-ci partage plus facilement les tâches rudes ;
sa femme (unique, cette fois) est plus joyeuse, souriante et épanouie.

Leurs costumes ? « Les goûts et les couleurs !… »


On en voit de toutes les façons.
Filles et femmes sont souvent gracieuses, élégantes même ;

parfois, une simple bande d’étoffe drapée leur sert de pagne,
 

mais le costume chic par excellen­ce
se vend coupé et ajusté, « chez le tailleur » :
 

encolure bateau, corsage bien mou­lé et terminé par une longue basque ;
la jupe, toujours assortie, n’est qu’une ban­de drapée.
Les plus jeunes aiment s’habiller à l’européenne.
Si « dépouillés » que soient leurs costumes, jamais rien de provocant.
La simplicité est reine. Tout sem­ble « naturel » et l’est en réalité.
Les garçons ? C’est très variable aussi.
Un « bout de chou » de 3 ans, que nous avons surnommé « Bouboule » (non sans motif),

  

 se promène toujours « au naturel ».
Certains ont seulement un petit collier autour des reins.
Ils sont presque des ex­ceptions, car les écoliers sont vêtus.
Ils portent aussi bien la chemise de nylon
que le maillot de corps – neuf ou déchiré -, qu’importe !
Les hommes sont souvent vêtus à « l’européenne ».
Mais, les jours de fête, il faut les voir,
drapés dans le grand « boubou » blanc ou bleu ciel,
et coiffés d’une chéchia ou d’une calotte mul­ticolore !…»

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Activités du pays

 

Les métiers :

Rien ne vaut le pittoresque du marché : à faire rêver les moins sen­sibles !

Les yeux sont éblouis de mille couleurs :
vêtements bigarrés, fruits, lé­gumes,
viande présentée sur de grands plateaux émaillés ou peints,
fabriqués au Cameroun ou au Nigéria, beaucoup plus évolués.
L’odorat y a sa part, et une bon­ne !
Chèvres, poulets vivants, huile d’arachides,
beignets, fromage blanc, poisson séché… tout s’entremêle !

L’ouïe y trouve son charme :
tam-tam ou balafon sur un fond sonore de bêlements ou de palabre ;
oui, palabre ! Car on n’achète rien sans marchander :
ici, point d’affichage de prix, ni de taxe locale :
c’est à la tête du client ; s’il est blanc, on en profite.
(« Ils sont si riches, ces Blancs ! »).
Alors, il faut discuter.
Ils aiment cela et attendent cet échange avec le client.
On baisse parfois du tiers pour remonter légèrement :
c’est tout un art !
(Les timides s’y perdent, les autres s’y passionnent !…).

L’artisanat est assez restreint… :
nattes rectangulaires ou rondes,
toujours en herbes ou feuilles séchées habilement tressées ;
taras : c’est le lit africain,
un savant assemblage de rondins entrecroisés
et maintenus par des bandes de peau de chèvre.
Toujours les matériaux naturels,
l’industrie pose de tels pro­blèmes ! Nous en reparlerons.

Le cordonnier répare sur place.
Le chaudronnier vous fabrique, sur le champ,
l’entonnoir aux dimensions de votre lampe à pétrole.

Le « bricoleur » est fier d’offrir sa table dernier modèle :
bois de plusieurs couleurs – contreplaqué ou ci­tronnier… Qu’importe !
Elle a quatre pattes, comme en France !

Mais là-bas, devant sa porte, regardez l’imperturbable ! C’est le tail­leur !
Il fait choisir, prend les mesures, taille, coud,
essaie tout à loisir der­rière sa bonne vieille « Singer »
que les femmes lorgnent d’un oeil d’envie…

Il manque encore à ce tableau, le boulanger !
Lui, c’est au coin de la rue principale qu’il tient sa boutique :
deux caisses, une planche, un monceau de petits pains à 10 F. C.F.A. (0,20 F.).

Le choix est vite fait !
Souvent, pour être sûr de sa vente,
il vient jusque chez nous avec la caisse sur le vélo.
A Garoua, ville camerounaise, c’est plus chic :
une espèce de guérite porte cette ins­cription :
« Boulangerie de Luxe » !
De fait, le pain est plus rond et plus levé qu’à Léré …

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Première journée en brousse

 

Premier dimanche en brousse en compagnie du Père

Aujourd’hui, 12 octobre 1969, Soeur Thérèse et Soeur Madeleine
montent en 4 L avec le Père Georges  pour Tikéré,
village de 100 à 150 habitants, situé à 12 km de Léré.
 

La route est sèche… La voiture file ;
mais bientôt il faut ralentir : chemins étroits, tortueux, cahoteux.

 
Nous longeons le lac sous un soleil éclatant

qui a déjà épanoui les beaux nénuphars :

invitation première à nous laisser imprégner, comme eux,
de la vie et de l’ardeur de ces gens avec qui nous allons partager la journée.
Tout est verdoyant : des bouquets d’arbres çà et là : c’est la savane arbustive.

Nous croisons quelques femmes portant jarre
ou plateau sur la tête, et « bébé » dans le dos.

Voici bientôt les premières cases.
Un bambin a aperçu la voiture. Il dispa­raît.
Pas besoin de klaxon pour annoncer notre arrivée !
En bon estafette de « Radio-Brousse, il prévient tous arrivent !…

Par les sentiers, en files indiennes, accourent les enfants.
Le Père stoppe.
Jeunes et vieux, filles et garçons se bousculent pour nous saluer :
« Soko, soko poulli » = bonjour ! bienvenue beaucoup !
50 petites mains se glissent dans les nôtres,
les yeux et les sourires expriment ce que les langues ne peuvent traduire,
mais que les coeurs comprennent !
Les étudiants, eux, sont fiers de nous dire :
« Bonjour Père ! Bonjour ma Soeur ! »
Mais ils sont peu nombreux… Pas d’école ici.
Quelques privi­légiés seulement vont à l’école à plusieurs kilomètres.

Aussitôt, nous gagnons la chapelle bâtie près du lac.
Le Seigneur est abrité comme les habitants :
case un peu plus grande et rectangulaire,
aux murs de briques brunes en potopote (c’est la terre du pays, séchée au soleil).
A l’intérieur, des bancs de terre séchée servent d’agenouilloirs ou de sièges.
Au choix ! Le mur du fond est bien lisse :
tableau de fortune qui permet au catéchiste d’expliquer ses Cours.
Deux piliers, au centre, soutiennent la charpente qui supporte le toit de chaume.

Le Père prépare la Messe avec deux catéchistes.
Il leur rappelle le sens de l’épître et de l’évangile de ce vingtième dimanche,
qu’ils auront à retraduire en moundang.
Nous préparons les ornements et l’autel : modeste table de moins d’un mètre.

La chapelle, trop petite, ne peut contenir tout le monde.
Du commencement à la fin de la Messe, nous sommes émerveillées
de la foi et de l’ardeur qui animent ces Africains.
Nous vibrons avec eux, entraînées dans leur prière
au rythme des chants scandés par le tam-tam.
S’ils sont exubérants, ils savent aussi se recueillir
et se plonger dans une adoration profonde…
silence quelquefois troublé par un bébé affamé…
mais bientôt, plus de larmes…
en toute simplicité, la tétée est donnée…

Après la Messe, grande réunion avec le Père.
A l’ordre du Jour : approfondissement du Message évangélique à transmettre,
organisation des catéchismes,
cas particu­liers à résoudre (mariages – dots – baptêmes),
paiement de la dîme, problèmes de la ven­te du coton : tout y est traité.
C’est aussi l’occasion d’une véritable « correction fra­ternelle » des catéchistes,
qui leur permet de réviser leur vie à la lumière de l’Evan­gile,
et de se remettre sans cesse en cause pour une véritable conversion.

Pendant ce temps, nous rejoignons la voiture
et ouvrons la « valise-dispensai­re »…
« Et les gens vinrent à Lui en grande foule…
On lui amena tous les malades, et Il les guérit … ».
Ceci se réalise encore aujourd’hui.
Vite, nous essayons de soulager ces pauvres gens.
Nous soignons les plaies, distribuons des médicaments.
Alors, que de sourires !

Des enfants viennent aussi réclamer les vieux journaux graisseux
qui tapissent le fond de la 4 L.
Pour lire ? Non ! Mais pour faire des « couvertures »…
Le papier est rare, et les livres doivent être couverts !…

A l’ombre de quelques arbres, des femmes épluchent des herbes.
Comme elles, nous nous asseyons à terre
et prenons quelques tiges à effeuiller…
Avec quel bonheur, ces Moundangs nous apprennent
à préparer les herbes qui serviront pour la sauce !
Nous échangeons quelques mots de la langue du pays.
Que d’éclats de rire lorsque nous « ânonnons » une phrase,
ou que nous utilisons un mot pour un autre…

Nous sommes heureuses, au milieu de ces gens si pauvres, mais si simples.
Combien nous nous sentons proches d’eux !

Tout à coup, voici les catéchistes suivis du Père.
Nous sommes invités à manger la « boule »…
Pour nous, c’est la première fois !

Une femme nous apporte de l’eau pour nous laver les mains, et disparaît.
En bien des endroits encore,
les femmes ne prennent pas leur repas avec les hommes.
Dans la case du catéchiste, nous nous asseyons
sur des tabourets très bas, autour de deux marmites.
Dans l’une, des morceaux de viande de chèvre
baignant dans une sauce appétissante.
Dans l’autre, une magnifique boule !
= grosse semoule de mil, bouillie et pétrie.
On croirait voir une miche de pain avant la cuisson.
Comment la manger ?
Nous regardons les Africains, et, comme eux,
nous prenons une petite boule – avec les doigts -,
puis nous la trempons dans la sauce de viande…
C’est la coutume !…

Comment vous traduire notre joie de ce premier « pain partagé » ?
Après ce repas frugal, le Père reconduit une fillette souffrante, dans son village.
Elle avait fait 10 km à pied pour venir à la Messe, sous un soleil de plomb.
Alors, Louis, le catéchiste de Tikéré nous offre
une promenade en pirogue, sur le lac,
en attendant le re­tour du Père.
Tandis que l’embarcation glisse doucement sur les eaux,
nous dialoguons avec Louis.
Il habite de l’autre côté du Lac :
pour venir à Tikéré, il lui faut compter une heure de traversée…
Aussi, a-t-il décidé de « quitter son pays »
pour vivre au milieu de ceux qui lui sont confiés.

Au retour du Père, nous allons saluer le Chef du village
qui nous fait l’honneur de nous introduire dans sa case personnelle,
et de nous offrir une calebasse de ‘bil-bil’ (bière de mil),
que les femmes préparent habituellement dès le vendredi.

        

Mais le soir tombe. Il nous faut reprendre la route de Léré…
Le soleil baisse à l’horizon, le ciel s’embrase.
Invitation nouvelle à la louange et à l’action de grâces…

La journée « africaine » n’est pas terminée.
Toute la Communauté missionnaire (le Père Georges, Michèle, et nous toutes)
est invitée à partager la « boule » chez Luc, le cuisinier des Pères.
Mêmes rites qu’à midi.
Mais nous avons la joie de pouvoir inviter (la coutume le veut ainsi) Elisabeth,
la femme de Luc, à partager ce qu’elle a préparé avec tant de soin.

A la lueur de la lampe à pétrole, cette soirée s’achève
dans la joie du partage et d’une sincère amitié.

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Publié dans Les Soeurs au Tchad | Laisser un commentaire