Un peuple religieux qui nous interpelle
Tous ces Africains qui nous entourent : païens, animistes, musulmans…,
sont profondément religieux, en quête de Dieu,
et ils nous interrogent sur notre vie :
« Pourquoi offrez-vous chaque jour le sacrifice à Dieu ? », nous disent-ils.
« Est-ce qu’il vous écoute ? Est-ce qu’il vous répond ? ».
Alors, nous mesurons un peu la chance
que nous avons de connaître notre Dieu
qui est Amour et qui, seul, peut répondre
aux aspirations profondes de chaque homme.
Cela a remis en question nos façons de faire.
Nous nous sommes demandé si nous allions organiser
des distributions de vêtements, matériel scolaire, médicaments…
Agir ainsi risque de développer en eux une mentalité d’assistés.
Nous aimons donner certes !
Mais cela ne répond pas aux vrais besoins.
Donner ainsi ne permet pas à l’autre de devenir plus homme.
Toute une recherche est menée avec les Pères,
les Sœurs et les laïcs missionnaires du diocèse.
Elle nous a conduit à préciser notre but :
former des responsables qui en susciteront d’autres ;
depuis plusieurs années déjà, les Pères travaillent dans ce sens :
ils forment des catéchistes.
Pendant ces sessions de catéchistes, de diacres à Mombaroua,
Pères et Sœurs, nous avons eu l’occasion de découvrir
des chrétiens engagés dont la foi est bien vivante :
dernièrement, Jacques, futur diacre du Cameroun Nord,
me dit, le visage rayonnant :
« Le Père nous a parlé des premiers martyrs.
Je les admire. Ils ont vraiment tout donné.
Jésus-Christ nous a dit :
« Celui qui veut être mon disciple, qu’il porte sa croix et qu’il me suive ».
Moi, ce que je Lui ai donné jusqu’ici, ce n’est rien encore ».
Et pourtant ! Nous savons que toutes ses cases ont été brûlées par les musulmans,
que sa femme et ses enfants ont dû se réfugier à la Mission voisine…
Nous sommes émerveillées de cet accueil tout neuf de l’Evangile
chez ces chrétiens qui vivent vraiment en amitié avec Jésus-Christ e
t veulent tout faire pour le suivre de près.
Une Chrétienté généreuse
mais déjà heurtée par nos divisions
Cette chrétienté, jeune encore, ne demande qu’à grandir.
Hélas ! Nos divisions se sont déjà introduites chez eux.
Africains protestants et catholiques ont bien des difficultés
à collaborer, même sur un plan social.
Cette souffrance de la séparation creuse en nous
le désir d’unité, de réconciliation…
« Père, que tous soient un, pour que le monde croie ».
Elle nous oblige à revoir aussi la qualité de l’unité
que nous cherchons à vivre en communauté et avec tous.
Nos frères africains nous posent toutes ces questions ;
elles demeurent en nous et changent notre regard :
n’avons-nous pas, chacun, à nous engager dans un esprit missionnaire
qui accueille l’autre différent et lui permet ainsi
d’être lui-même responsable à sa place ?
Nous ne pouvons pas tous partir chez les peuples du Tiers-Monde,
mais cette attitude nous ouvrira aux plus pauvres de chez nous.
Chaque jour, un peu plus au service de nos frères, notre regard s’éveillera
et découvrira des pauvretés peut-être plus profondes
et plus radicales encore que celles des peuples du Tiers-Monde.