L’épreuve de la Révolution
Vint la grande épreuve ! La Maison des Orphelins ne fut pas épargnée par la Révolution.
Nous savons, par la correspondance de vertueux ecclésiastiques de cette époque,
combien édifiante fut la conduite des Sœurs
qui refusèrent énergiquement de prêter le serment civique.
Le 30 avril 1792, elles entendent à leur porte les cris d’une multitude furieuse ;
remplies de crainte, elles refusent d’ouvrir ;
les émeutiers s’emparent de la pioche d’un voiturier qui passait,
en frappent la porte à coups redoublés et l’enfoncent ;
ils se précipitent dans la Maison, la parcourent en tous sens,
cherchant les Sœurs qui s’étaient cachées, en proie à de mortelles angoisses.
Ils les ramènent dans la cour, où ils avaient dressé une table,
et veulent les forcer à prêter le serment.
Reprenant alors leur énergie, sans se laisser intimider
par les menaces de ces furieux,
elles opposent un refus formel.
On ne leur épargne ni insultes, ni coups.
La foule s’en prend tout particulièrement à la Supérieure, la Sœur Testulat
et l’entraîne hors de la Maison.
Craignant pour sa vie, quelques-unes de ses Soeurs veulent la suivre ;
elle leur ordonne de rester.
Au milieu des huées et des cris, elle est conduite sur la place Saint Maurice,
puis à la place Suzanne, enfin à la place Saint Remi.
On la somme de prêter le serment, elle refuse de nouveau :
« A la lanterne » crie la foule !
Enfin par la place Saint Nicaise, elle est ramenée rue des Orphelins.
Alors, seulement, arrive la Garde Nationale
qui met un terme à cette scène de brigandage.
Pendant 10 ans, les Sœurs subirent toutes sortes d’avanies.
L’Administration des Hospices leur enleva la direction des Orphelins.
En 1799, elles durent abandonner leur Maison dans laquelle depuis sept ans,
la Municipalité ne tolérait plus que dix enfants.
L’immeuble fut loué par la Ville à divers habitants,
et la chapelle servit de remise à un menuisier.
Les proscrites avaient pu néanmoins emporter leurs trésors,
c’est-à-dire leurs reliques et mettre eu sûreté les archives.
Un menuisier de la rue de Contrai, M. Delègne,
consentit à accepter le pieux dépôt et il le garda facilement.
Les religieuses vécurent de la charité des bons catholiques,
continuant dans l’ombre à se dévouer au clergé,
aux pauvres, aux prisonniers !…
Parmi ces vaillantes, il faut citer : la Sœur PÉROT,
que son intrépidité exposa plusieurs fois à la mort,
et la Sœur Varlet qui, malgré tous les obstacles,
continuait dans un petit pensionnat,
ouvert par ses soins, dans la cour du Chapitre,
sa noble mission d’éducatrice.
Pendant longtemps, la maison de Sœur Varlet offrit un abri
à un prêtre insermenté, l’Abbé Bocquet,
qui exerçait secrètement son ministère ;
plus d’une fois, les Sœurs s’exposèrent à la mort
pour dépister les perquisitions des agents de la tyrannie.